Le départ a mis du temps à se concrétiser. Une multitude de contre temps d’ordre administratif, de mise en place du site internet et d’organisation des bagages….Initialement prévu le mardi, puis reporté au mercredi, j’ai du me rendre à l’évidence qu’il me fallait une remorque au vélo. Il a donc fallu en trouver une en stock dans un magasin à 50 km à la ronde, puis adapter le tout au vélo et aux sacoches.
Décision est prise de partir le jeudi vers 10h. A 10h15, je fais une « photo officielle » avec mon vélo et les bagages dans le chemin au dessus de la maison. En redescendant le vélo, commence une série d’imprévus faisant de ce départ une mise à l’épreuve de la volonté. Donc, en redescendant le vélo, le frein arrière lâche. Je prends une dizaine de minutes pour le régler. Je rentre faire un billet internet annonçant mon départ imminent, avec la photo officielle. Le fichier image n’est plus reconnu par mon ordinateur. Une bidouille et autres joyeusetés informatiques plus tard, c’est bon. Il est bientôt midi, l’heure de manger. Le piège. Non, je dois partir maintenant sinon je ne partirai jamais.
Au moment de prendre le vélo, la béquille casse. Aaarrrgggghh. Instrument indispensable. Sur la route, à Albertville (nous sommes à 12 km dans une vallée adjacente), il y a un magasin de sport ouvert le midi où je pourrai trouver la pièce de rechange.
Mes parents m’accompagne, mon père à vélo et ma mère en voiture.
Hop, j’enfourche le vélo, fait 3-4 tours de roue….Le compteur ne fonctionne plus. Arrêts, essais, redécollages, re arrêts, re essais, re décollages….abandon…on réglera ça sur la parking du magasin !
Allez, on se recentre Je découvre les sensations du vélo à 3 roues, en pleine charge avec 30 kg sur la troisième roue. L’équilibre est complètement modifié. Ambiance. Je me fais quelques grosses frayeurs…surtout ne pas tomber, pas là, pas maintenant !!
Arrivé sur le parking, changement de béquille, affinage des réglages et recherche de panne du compteur. On ne trouve pas. Changement de piles, non, changement de place, non. Le cerveau est ailleurs, l’envie aussi… Achat d’un nouveau compteur. Montage.
Ma mère doit partir. Mon père fait un bout de chemin avec moi. Deux minutes après ce départ (départ numéro 4, ou numéro 5…est-ce vraiment le départ?), le compteur ne fonctionne toujours pas. Retour au magasin, recherche d’un vendeur disponible….Ok, la distance entre le compteur et le collecteur est trop longue…seulement ça…
14h23 DEPART
oui, ça y est, je pars…nous sommes le vendredi 27 juin, il est 14h23.
Mon père s’arrête au bout de la piste cyclable entre Albertville et St-Hélène sur Isère.
Il fait beau, le vélo est confortable, fluide, l’extension 1.0 (la remorque mono roue) est mieux maîtrisée…., la route est belle, le vent du visage aux mollets, les odeurs de l’Isère que je longe un bon bout de temps, le chant des oiseaux, les regards des gens….c’est ça, là tout de suite, maintenant, je suis parti. Dehors, vulnérable au monde et disponible à l’inconnu. L’approche du concept de sérendipité s’offre à moi.
J’avance, je quitte les berges de l’Isère pour une départementale qui me fait serpenter autour de villages quasi déserts. Les cuisses chauffent. A que c’est bon !
Je décide de retrouver les berges de l’Isère à Pontcharra et d’y dormir plus vers le sud. A peine arrivé en ville, Léon s’approche de moi. 87 ans, Espagnol, ancien ouvrier, il habite Grenoble mais vient voir sa copine…Frais comme un gardon le Léon. Il se fend même d’un « A 87 ans, je suis plus beau que toi ! » avec son sourire un peu édenté.
Je le quitte et récupère les berges. Je traverse la zone industrielle sur un chemin pour pêcheurs. Je me pose 2 ou 3 km plus loin. Emplacement idéal, belle vue sur les « Rochers des belles ombres », l’Isère. Repos, calme, mise en place du bivouac. Un renard s’approche d’un coté. Quelques minutes plus tard c’est au tour d’un écureuil de me surveiller.
Il est 22h28, c’est l’heure.
Samedi 28 juin
La nuit est belle et agréable. Lever vers 7h, je prends mon temps, attends le soleil pour faire sécher la condensation sur la tente. Le temps est couvert. Vers 9h, je me remets en route. Je longe toujours ce chemin en pierre sur les berges. Je découvre les joies de la musique sur son téléphone. Lecture aléatoire. Arrivent dans mes oreilles les ambiances de Slow Joe, Ousanousava, Bernard Lavilliers, Devendra Banhart, Alain Peters…souvenirs, émotions, ça travaille et j’avance.
Le ciel se couvre. Il pleut. Ça dure une petite heure. Des promeneurs. Je demande mon chemin à chaque fois, histoire de. Souvent, on me donne de bon conseils pour rester sur les petites routes.
A Bernin, alors que je photographie la mairie. Un vélocypédiste s’arrête en face de moi. Huaiyu, il est Chinois. Il est venu à vélo. Ca fait 2 ans et il lui reste encore 2 ans pour rejoindre la Chine. On discute matos. Bonne route à toi.
Arrivé sur Grenoble. La voie verte qui traverse la ville est fermée. Je me perds un peu. Au 3ème cycliste, je lui demande mon chemin. Il m’explique gentillement. Pas clair. « Viens, suis moi ».
On traverse Grenoble à plus de 25km/h entre toutes les pistes cyclables et m’amène à l’entrée de la voie Valence-Lyon. Je n’ai plus qu’à la suivre !! Merci
Du coup, la piste s’étire 30 ou 40 km, toujours le long de l’Isère. Trop classe. Un arrêt, Adrien se met à ma hauteur. Il traine une remorque solaire. Son vélo est à assistance électrique. Il fait une moyenne de 200km/jour. Il est allé au Kazakhstan avec (www.adrienvelosolaire.com). On fait un bout de route ensemble, étant un ancien cycliste de compét, il me donne des conseils et m’explique le fonctionnement du corps et de la machine durant l’effort.
Je dormirai à St-Marcellin, Adrien, m’a parlé de bière. Il m’a donné envie. Je m’arrête avant chercher du pain, du St-Marcellin (fromage), une belle tomate et une carotte. Ensuite, bar de la place, bière et 2ème mi-temps du match Brésil-Chili. Je me renseigne sur la possibilité de dormir sur le stade. Pas problème, il a même la douche. Chouette. Je pars avant la fin du match.
Au stade de rugby, le club fait une soirée. Je mange, place la tente dans un coin et prends une douche. Je vais voir la fin des tirs au but du match dans le club house.
C’était une grosse journée, je retourne à la tente me masser les mollets. L’orage pète. La pluie tombe toute la nuit.
Dimanche 29 juin.
Il pleut encore. Je range mes affaires sous la tente et profite d’une accalmie pour tout mettre dans les tribunes. Je prendrai mon petit déjeuner à l’abri !
Vers 10h, la pluie s’arrête. Je fais les 15 derniers kilomètres très vallonnés comme un décrassage, tranquillement.
L’arrivée à St-Antoine L’Abbaye est grandiose. La communauté de l’Arche se trouve au fond de l’abbaye. Sitôt dans la cour, l’énergie de l’histoire, la force du temps, quelque chose se passe. L’accueil est simple et naturel.
Je fais cette route, comme un pèlerinage, pour partir à la rencontre des Autres mais aussi partir à ma rencontre. Faire des ponts, comprendre mes choix, définir mes envies, assumer mes rêves. Soigner mon âme en stimulant mon corps et en nourrissant mon esprit.
Bienvenu à l’Arche. L’utopie commence ici…