J’ai mis un peu de temps à écrire ces lignes car l’expérience vécue au Maquis a été très particulière. Les lieux précédents avaient tous un je-ne-sais-quoi d’insaisissable, de lunaire, dans le sens de détaché de la vie « contemporaine ». Le Maquis, c’est différent. C’est concret. C’est frontal. La communauté s’est formée autour d’un projet de ferme collective d’agriculture paysanne pour sortir les terres agricoles de la spéculation foncière et leur redonner leurs fonctions premières. Nourrir le vivant en utilisant des procédés durables et respectueux et en développant des liens sociaux de proximité. La terre a un rôle économique mais surtout un rôle social et environnemental.
Je me faisais une joie de rencontrer les membres du Maquis, de comprendre et de tenter de transmettre leur démarche dans ce billet. Tout en sachant très bien que ce n’est pas en quelques jours que je peux saisir l’incroyable imbrication des relations qui se jouent au quotidien entre les membres, entre les membres, la terre et le projet et, entre la communauté et l’extérieur.
Mais je n’ai pas pu ni les interviewer, ni les prendre en photo.
Si j’ai été très bien accueilli en tant que personne, j’ai été mal perçu en tant que photographe. Pourtant, j’avais pris soin de les contacter au mois de mai pour leur présenter le projet et leur proposer de participer puis pour confirmer ma venue et les dates prévues.
Apparemment, les informations n’ont pas circulé comme le fallait et/ou n’ont pas été comprise par l’ensemble du groupe. Or leurs décisions sont prises collectivement.
De leur coté, tellement pris dans le rythme effréné journalier pour tenir la ferme et faire, en plus, la préparation de la saison (ils ouvrent un camping participatif pour l’été), c’est tout à fait compréhensible que mon projet ne soit pas leur priorité. C’est juste dommage que cette situation n’ait pas été éclaircie avant la veille de mon départ.
Ce qui est intéressant est que leur refus est catégorique contre l’image sous toutes ses formes. Ils ont conscience de la force de l’image et ont la hantise qu’elle puisse pervertir leur réalité. De ce fait, ils ne recherchent aucune médiatisation et préfèrent le concret, le lien et le palpable pour que l’interlocuteur se fasse une idée de ce qu’ils vivent. Leur engagement est profond, ils se donnent corps et âmes. Ils sont le projet. On ne peut pas s’imaginer l’intensité de cet investissement personnel si on ne le vit pas. Donc mon approche d’observateur de quelques jours s’apparente à leurs yeux à une semaine de vacances alternatives !
Au Maquis, on ne vit pas le rêve d’un monde meilleur, on vit le combat qui y mène. C’est un combat aux forces inégales. Mais c’est une lutte nécessaire et juste. Néanmoins, le collectif est fragile. La charge de travail est telle que les membres n’ont que peu de temps pour eux et la pression des banques qu’ils doivent rembourser est un fardeau au goût amer. C’est le prix de l’autonomie en proposant une alternative viable et festive. De plus, certains quittent la communauté et d’autres en partent. Ils sont donc à la recherche de 4 ou 5 personnes pour intégrer leur projet et ainsi mieux repartir les temps de travail.
Je vais quand même vous en dire un peu plus sur ce projet collectif en reprenant des éléments présentés dans le livret des campeurs 2014 qu’ils mettent à disposition à l’accueil.
Actuellement, le collectif est composé d’une dizaine d’adultes et de 2 enfants qui partagent le lieu de vie, les valeurs et le travail. Ils sont paysans ou en passe de l’être. Leurs valeurs communes sont :
- L’abandon de la propriété privée ; les terres n’appartiennent à personne et à tout le monde
- Le non enrichissement personnel ; tous les salaires des membres du collectif sont reversés à la caisse commune et chacun y pioche selon ses besoins et dans la limite du stock !
- Développer l’agriculture paysanne et la faire perdurer ; ça veut dire prendre des positions intraitables concernant l’imposition de lois inappropriées votées à Bruxelles (par exemple: le puçage des troupeaux (plus d’infos ici ) ou le recours systématique aux antibiotiques)
- Expérimenter la vie et le travail en collectif
Le Maquis est structuré selon plusieurs niveaux. La SCOP Cravirola encadre leurs activités agricoles telles que la fabrication et la vente de fromages de chèvre et de brebis, de pain et de bois de chauffe.
L’association Cultures du maquis est l’outil pour mettre en avant les dimensions politiques, culturelles, écologiques et sociales du lieu. Les activités portées par l’association sont le festival d’été, l’animation et la gestion du camping participatif, les chantiers solidaires, l’épicerie de la ferme (on y trouve tous les produits du Maquis et ceux des producteurs environnants) et la partie bar du Barricade (le bar resto du camping).
Diaporama des images réalisées pour l’exposition présentée à Barcelone.
L’ activité du camping est précieuse. Économiquement, car elle permet de soutenir financièrement le projet, de contribuer à ce qu’un tel lieu existe. Humainement car c’est un lieu engagé politiquement, un lieu de rencontres, d’échanges, de discussions, de débats qui peuvent être proposés par le collectif ou les campeurs.
Alors qu’est-ce qu’un camping participatif ?
C’est un cadre où il est possible de mettre en place des activités d’animations et de participer aux activités de l’association. Des tableaux sont disposés autour du lieu stratégique du bar. Ils servent de modes d’emploi pour s’organiser : planning des répartitions des tâches, propositions d’ateliers, co-voiturages et demandes en tout genres.
Les campeurs peuvent également donner un coup de main au bar, à l’accueil, au cinéma etc.. ainsi que pour les toilettes sèches et poubelles, le rangement de l’aire de jeu/bibliothèque, la piscine, les pluches des légumes, faire le crieur public, ou aider à la billetterie les soirs de spectacle…
Pour structurer tout ça, il est prévu, tous les lundi à 19h30, une réunion des campeurs. Elle sert à mettre en place le planning d’activité pour la semaine. C’est aussi l’occasion de créer du lien entre les membres du collectif, pas toujours disponible, et les campeurs. Cette rencontre permet à la vie participative de s’organiser et de rendre le lieu vivant, animé et enrichissant.
Au moment où j’ai visité Le Maquis, il y avait plus d’une 100aine de campeurs, de plusieurs nationalités, de tout âge et une mixité sociale importante. L’auto-gestion fonctionne relativement bien, la marge de liberté est vaste, s’en est déconcertant, et s’inscrire dans les activités participatives permet de rencontrer du monde. Les gens reviennent d’année en année et font passer le mot à leur retour de vacances. Il faut signaler que Le Maquis se trouve à quelques kilomètres de Minerve, une région idéalement située entre Toulouse, Montpellier et Perpignan. Le climat y est chaud et le vin très agréable !
Les personnes présentes ont cette envie de passer du bon temps, de rencontrer et de partager. Bref de trouver un vivre-ensemble simple et de la bienveillance naturelle ; du coup, la bonne humeur règne et l’ambiance est légère.
Un dernier point très intéressant du projet est la mise en place de passerelles entre les campeurs et les activités de la ferme. Une visite guidée de la traite est proposée ainsi que des rencontres pour discuter du projet et de sa gestion. Ces dispositifs de médiation sont super car ils permettent de sensibiliser et diffuser les informations autour de leur vie d’agriculteurs paysans. Et d’insister sur cette mission de redonner aux terres leurs valeurs paysannes.
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