Après le jeudi de mon arrivée à Barcelone, je m’attèle à la mise à jour du site et la préparation de l’exposition. Une fois de plus, j’en oublie le jour et rate les horaires d’ouverture de Aurea Social que j’aurai bien aimé rencontrer. Ma visite à Can Vies, où j’ai posé l’exposition, n’a pas eu lieu car le bâtiment était fermé. J’avais également contacté la communauté Can Mas Deu qui fait un travail remarquable dans le quartier de Canyell, elle ne me proposait qu’une visite collective le samedi matin et enfin la structure Calafou qui ne m’a pas répondu. Je souhaite partager des expériences et non déranger ou chercher à m’imposer, le quiproquo au Maquis m’ayant un peu refroidi et servi de leçon, je décide de ne pas forcer les choses et de profiter de la ville et de ses expo gratuites (Matin Parr, avec sa série The Non-Conformist, ainsi que la très intéressante expo 25% Catalonya at Venice au Centre de la Imatge).
Au bout de 3 jours d’Auberge de Jeunesse, la route m’appelle.
Dimanche 10 Août
Départ le dimanche en milieu d’aprem, la ville et sa circulation sont plus calme Quitter une grosse ville sans prendre l’autoroute c’est pas coton, je me perds un peu, visite les quartiers et villes voisines. Tout est désert, juste un vent en rafale de face…un préambule à l’apocalypse ? Je mets un peu plus de 2h pour quitter l’agglomération. A Castelldefels, je retrouve un paysage côtier, « balnéaire », moins urbain et industriel. Je traverse la ville et entame la route en corniche C31 qui m’emmènera définitivement vers le sud. Et là, vlam, couic, crac…un bruit, léger, net, franc et sincère qui se répercute de ma roue arrière au cadre du vélo, monte dans mon corps, parvient jusqu’à mes oreilles, s’engouffre dans ma tête et arrive à ma zone mémorielle….outch, c’est bien ça….un autre rayon qui décide, unilatéralement, de quitter l’aventure, sur le bord de cette route en corniche….ok.
Je n’ai d’autre solution que de faire demi-tour. Faire demi-tour à 18h, alors que la fatigue commençait à s’agripper sur la remorque, que je venais de me gonfler d’énergie pour atteindre Sitges (ville après ces 18km de route littorale faite de hauts et de bas)…faut bien se l’avouer, c’est un coup de bambou. Bam, allé goût’.
Demi-tour disais-je. Je sais que je peux rouler un peu sans risquer trop de dégâts supplémentaires. Retour à Barcelone ? Ca non, sûrement pas. Rester ici alors ? Ok, bon, trouver un hébergement. Moral dans les mollets, vent dans le dos, je rôde un camping auprès des gens. Il en existe bien un, pour l’atteindre, il faut prendre l’autoroute sur quelques kilomètres, il se trouve juste à coté! Mouai, pas très engageant tout ça. Alors un hôtel pas cher. Pas trop cher quoi. L’avantage de l’hôtel est que je peux laisser mes affaires en vrac et aller demain, lundi, à Barcelone en train pour faire changer ma roue.
Voila c’est réglé, il est 20h, la lune est pleine et « super ». C’est un phénomène astronomique assez rare, elle est plus grosse et plus lumineuse d’un tiers que d’habitude….ces effets sur le vivant, sur nous, sont-ils un tiers plus forts que d’habitude ?
Toujours un peu déconfit, n’arrivant pas trop à adopter une bonne distance sur ces derniers événements, je décide d’observer mes contemporains sous la lune, le long de la plage.
Lundi 11 Août
Nuit courte, matin gris avec 28°c au thermomètre, je pars pour la gare, prendre un train de banlieue et retrouver Barcelone. 20 min plus tard, il est 30°c (!), direction décath. Verdict, en plus de la roue, faut changer les pignons car non adaptables. J’en profite pour changer la chaîne qui s’était mise à rouiller fortement.
En deux heures, Caracolès s’est refait une beauté, je rentre à Castelldefels faire une sieste et prendre un bain de fin de journée dans une mer déchaînée, probablement par la lune. Programme du soir, visionnage du film « un jour sans fin » !
Mardi 12 Août
Deuxième départ. La nouvelle chaîne de vélo rend chaque coup de pédale plus fluide, que du bonheur. J’ai la patate, le friton, une pêche d’enfer, ça va l’faire! Le vent s’est calmé un peu et surtout il est dans le dos, du coup, c’est le bel ami de la journée. Alors j’avale les kilomètres. Perdu dans mes pensées, ma distance dans mon sujet, ma place dans mes relations, j’en perds ma route, je fais des tours et détours, choisis de mauvaises options….que de symboles et d’échos. La route n’est pas très belle, monotone. On s’endormirait presque !
Je passe de la C 31 à la RN 340, le trafic s’amplifie, le souffle des 38 Tonnes me fouette quand ils me dépassent. Je ne croise pas grand monde. Juste Helmy, chouette gars qui fait la route du point le plus au nord de l’Europe au point le plus au Sud, soit du Cap Nord à Gibraltar. On mange ensemble à Tarragona. Il repart vite, il a un temps limité et dois faire ses bornes. Je reste un peu pour visiter la ville et apprécier la lente ivresse qui monte en moi, 50 cl de cerveza au repas ça réhydrate bien mais pas que !
Je reprends le vélo pour quitter la ville et trouver un spot pour bivouaquer tranquille. Une entrée de champ d’oliviers, je vais au fond. Oups, je suis accueilli par 2 chiens en liberté qui me font des yeux pas très avenants. Je rebrousse chemin et me cale dans le champ suivant.
Il est tôt, j’en profite pour faire rien. Juste rien et c’est bien.
Ça faisait plus d’une semaine que je n’avais pas bivouaqué, ça me manquait. Une chambre sans mur, les sons, les odeurs, les couleurs glissantes avec la lumière, les mouches et autres insectes qui s’inventent à ton buffet. Euh, non c’est toi le buffet ! Faire partie d’un lieu, d’un milieu, d’un écosystème, pour quelques heures, le perturber un minimum, recevoir ce qu’il te donne, essayer de laisser le moins de traces possibles, ne pas bouger les cailloux ou les remettre à leur place, faire avec, s’adapter et enfin planter ta tente. Ne pas oublier de le remercier avant le départ.
Quelques étirements et massages sont des plus bien appréciables. D’ailleurs, en parlant de plus, j’ai redécouvert le confort d’un sac de couchage lors des petits matins frisquets. J’avais laissé le mien à Montpellier, me disant que j’en n’aurai probablement plus besoin. Je dois dire que dès le Maquis, j’ai eu froid, même très froid. Et nuits suivantes aussi ! Du coup, je dormais avec une couverture de survie, qui comme son nom l’indique est très pratique et chaude mais un peu bruyante et pas très confort. Alors ce sac de couchage, c’est royal !
Ce fut une bien belle nuit.
Mercredi 13 août
Un peu moins dans mon nombril, je sors du champ, reprends mon chemin, continue de me perdre un peu. Je récupère cette RN 340 qui me fait passer le long d’une côte quelque peu insipide.
Au bout d’une heure de trajet, le vent se lève, forcit, forcit, forcit. Il tournoie, il hésite puis me gifle en rafales tantôt coté route, tantôt vers le bas coté.
Ca me fait rire un peu, au début, mais ça devient excessivement dangereux par moments car, que je fasse des écarts c’est une chose mais les camions, les caravanes en font aussi…l’idée est d’éviter de se retrouver sur la même trajectoire. Je pose pied à terre et marche pendant de longues minutes à coté de Caracolès. Je me réfugie dans une station service et décide de ne rouler que la demi-journée.
Je me pose à L’Ampolla, juste au nord du Delta de l’Ebre. Comme ça demain, je vais pouvoir le traverser tranquillement. Au coucher du soleil, alors que je popote, une nuée de moustiques s’attaquent à mes jambes, mes bras…fatigué par cette journée à lutter contre le vent, j’entame un carnage puis, me revient cette phrase en tête, un peu limite mais tellement vraie :
« C’est en voyant un moustique se poser sur ses testicules qu’on réalise qu’on ne peut pas régler tous les problèmes par la violence. »
Je mets un tee-shirt manches longues et enfile mon pantalon.
Jeudi 14 Août
Le vent s’est calmé. Je traverse, comme prévu, le Delta de l’Ebre, un des plus grands delta d’Europe. Complètement orienté sur la monoculture du riz et quelques pieds de maïs, avec en prime le survol d’un avion soit pour arroser de produits anti-moustiques soit des produits type engrais. Mouai. Quelques belles images quand même.
Je passe une bonne partie de la journée sur le vélo. Je quitte la Catalogne pour entrer en Castille, province de Valencia. Je cherche des routes secondaires pour zapper le plus possible cette RN 340. Parfois, j’y arrive, d’autres fois, je me perds. Les côtes deviennent rocheuses, le paysage change, ça fait du bien. Je me baigne. Le soleil cogne fort. Toujours peu de monde dehors, je veux dire disponibles et accessibles, à moins que ce ne soit moi ! Je croise 2 français à vélo, pas bien causant. Sur la même route mais pas sur le même chemin, c’est ainsi. Je me rends compte que je suis bien seul. De Bénicarlo à Peniscola, je circule sur une « promenade » le long des plages.
Les gens sont là, nombreux, grouillants. Peniscola est un cul de sac avec un joli fort au bout. Je me ferai bien un petit arrêt tourisme. Hop. Je me rends compte de la date, j’avais zappé la journée « off » de lundi, donc je me croyais un jour plus tôt.
Quant est-il de mes communautés en Espagne ? De mes dates plus ou moins prévues ?
Je serai à Valencia d’ici 2 jours. Je sais que je vais loger chez Maïté, via bewelcome mais je n’ai toujours aucune nouvelle de lieux à rencontrer.
Par contre, au moins 2 endroits sont ok pour que je les visite. Ils sont en Andalousie….à suivre…j’ai dit « hop tourisme » !
Petit tour en ville, visite du fort, de la cathédrale, des boutiques souvenirs…entre l’histoire chargée de sens et le sens qu’on en fait, chacun à sa manière…un monde tellement pluriel, voire duel, pour le vacancier, « je consomme donc je suis » et pour le vendeur, « je vends donc je vis ». Et moi dans tout ça, je consomme quoi, je vends quoi ? Toujours est-il que les visages des uns et des autres restent fermés. Et le mien ?
Ces temps d’introspection sont super intéressants. Ils me reconnectent aussi avec une certaine réalité qui n’est peut être pas la plus belle à voir mais qui est bien présente, autour de chacun de nous et ne doit pas être occultée. Commencer mon pèlerinage par des lieux magiques et des personnes bienveillantes m’a montré que certaines choses étaient possible. Aujourd’hui je vois, bien que je le savais, le chemin à réaliser. Cette route n’est pas encore terminée. Il reste tant de kilomètres, de rencontres probables et improbables, pour user et chahuter ce concept de sérendipité.
Vendredi 15 Août
Ce matin, j’ai pas envie. RN 340, ma route, mon chemin, mon amour, ma douleur, ma croix (!), tu es loin d’être belle, tu es fade, tu es tout sauf un lieu de rencontre, surtout en ce 15 Août…mais c’est toi qui me mène au moins jusqu’à Valencia alors je ne vais pas faire la fine bouche et tenter d’explorer tes charmes insoupçonnés. Pourtant, je ne sens que tes odeurs de merde et de mort, je n’entends que tes vroum, même les cigales ont abandonné l’idée de se faire entendre. Je ne vois qu’abandon, isolement et déliquescence de ce drame qui se joue depuis 2008, je suppose.
Alors est-ce que la misère est plus belle au soleil ? Est-ce que le cœur des hommes et femmes vivant ici est aussi sec que le paysage ?
Il existe des études passionnantes sur ce thème, l’impact du climat d’un territoire sur les hommes. Car ce climat, il influence les végétaux, les activités humaines, donc l’économie et les paysages. Finalement, il impacte les hommes, leurs comportements et leur vision d’appréhender la vie.
Diaporama de la 1ère partie des images qui seront exposées.
Au bout d’une zone industrielle pour quitter la grosse ville portuaire de Castello, dans une station service déserte, entourée de routes, périphériques, panneaux publicitaires, enseignes montant loin dans le ciel, alors que je cherche en vain de l’eau, deux auto-stoppeur surgissent du néant. La vie ! Une énergie incroyable. Ils sont perdus, vont dans les montagnes aux alentours pour se baigner dans des sources d’eaux chaudes naturelles. On reste quelques minutes ensemble à manger du mauvais chocolat mais surtout à partager cette humanité qui nous manque tant !
Un rayon de sourire a perforé la terne carapace de ce jour. Je reprends mon chemin avant que l’orage n’éclate, il me reste un bon peu de kilomètres à faire pour trouver un spot pour dormir. Quelque temps après les avoir quitter, un coup d’oeil sur mon compteur, la barre des 1 500km vient juste d’être passée, ici, entre des routes à plusieurs voies de circulation, je trouve un endroit idéal pour immortaliser symboliquement ce moment. Une longue route déserte entre une autoroute et les bâtiments d’une entreprise qui s’entendent à l’infini !
Juste la fin de la zone industrielle, des champs d’agrumes, je bifurque, m’enfonce et trouve un endroit idéal où planter la tente. Au pied d’un vieil arbre sur les bords d’une carrière, restera-t-il longtemps encore ici ?
Le vent se lève, tournoie, l’orage arrive. J’en profite pour me rincer sous la pluie.
Samedi 16 Août
Je suis à peine à 50 km de Valencia. Cette journée sera donc tranquille. J’ai rendez vous chez Maïté vers 17h, étant en France, je serai avec son coloc Alejandro.
Je traine un peu dans la tente. Vers 8h, je me lève enfin. Alors que je suis au petit déj, un fermier arrive vers sa cabane située non loin de l’endroit où je suis. Surpris de me voir là, on se salut.
Vers 9 h un bout, mon paquetage est prêt. Je fais demi tour et entend un bruit inconnu. Petit tour de Caracolès et de son extension 1.O. La roue de cette dernière est crevée. Faux départ. Je déballe et répare. Un fil de fer s’est logé dans le pneu. Sauf que je ne trouve pas le trou. J’ai beau gonfler, mettre sous l’eau, aucune bulle. Je décide de reprendre la route et avec un peu de chance, ça tiendra jusqu’à Valencia. Après 15Km, là c’est un fait, je ne peux pas continuer ainsi. Ça tombe bien je voulais m’arrêter pour faire une photo de ça (cf » La progression » image 13h36, le 16/08).
Redéballage, ce coup-ci je mets la chambre à air gonflée à bloc dans la casserole. Ah oui, il y a bien un petit trou. Repérage avec un stylo et attente que la colle sèche. Petit thé, turron et message facebook feront l’affaire ! J’ai de la chance, c’est un temps parfait pour crever et je ne suis pas pressé. Certaines personnes s’arrêtent gentiment et me proposent leur aide.
Je reprends la route jusqu’à Valencia. En attendant 17h, je m’allonge dans le lit d’une ancienne rivière qui fait le tour de la vieille ville et qui a été transformée en parc, jeux, jardin botanique…..je choisis l’ombre de Ceiba speciosa.
Diaporama de la 2nde partie de l’exposition
D’autres images et vidéos sont visibles à la page « La progression » du site.
« Je quitte la Catalogne pour entrer en Castille, province de Valencia. »
bon jour messie . tres jolie votre blog seulement une observation Valencia nést pas Castille.
RAFAEL ALCAYNA LORENZ
VALENCIA.
Hola Rafael, gracias!!