ETAPE 7: Valence – Carricola

Je suis resté 5 jours à Valence avec l’objectif de rencontrer une communauté utopique urbaine. Logé chez Maïté et Alejandro dans le quartier de Rusafa, quartier réputé pour ses revendications et sa solidarité….

 

 

 

 

En Août, le break estival est d’actualité, mon espagnol toujours balbutiant, surtout qu’on parle Valencian ici et peu à peu je me rends compte que, pour ce projet, je ne cherche pas à être confronté à la souffrance ou encore à l’accablement. Être touché par la lumière et non par la noirceur. J’ai déjà consacré beaucoup de temps à la sombritude (concept de l’écrivain poète et humaniste africain Armand Mavinga Tsafunenga) et aux magnifiques éclats de lumière et d’humanité qui règnent dans ces mondes souvent lugubres. Bien que j’y retournerai assurément…pas là, pas maintenant…ce n’est pas le propos de ce projet. De plus, je sors de plusieurs jours passés sur la RN 340…pas vraiment égayant!


Donc Valence à vélo, les parcs, l’architecture, les gens, les gens, les gens….et juste laisser déambuler mon esprit…voici les images…

 

Je reprends contact avec Sara qui m’avait parlé de Carricola, un lieu intéressant à quelques 90 km au sud de Valence. Elle est là-bas en vacances et repars bientôt en Allemagne….Elle croit en ce projet et en parle à Tere (francophone) et Kike, son mari (photographe). Voila! Ca se débloque enfin. Au dernier moment, alors que je songeais continuer jusqu’à la prochaine communauté contactée avant le départ, du coté d’Alméria, avec la complicité des Autres la Route de l’Utopie s’éclaire à nouveau.

Je pars le vendredi 22 Août au matin.

A chaque départ, j’ai l’impression d’oublier quelque chose…c’est sûrement vrai, j’oublie un peu de moi. Je laisse mon empreinte, j’abandonne celui que j’ai été en ce lieu. Alors un soupçon de tristesse, oui à l’évidence. Paradoxalement plus je m’abandonne, plus j’avance. Et plus j’avance, plus je laisse sur le bas coté certains poids de ma vie…débarrassé, léger….retrouvais-je ces poids cachés sous le tapis de ma conscience au retour ? À moi de me tenir aux aguets….menfin, vera bien…pour l’instant, je pédale en écoutant de la musique à la rencontre d’un projet, sissi cette fois -ci c’est la bonne !

 


Musique de Slow Joe & the Ginger accident ;  « Brunette Blonde »

 

Au bout de la piste cyclable du centre ville, je longe la côte.

Assez rapidement, je me fais surprendre par la douceur, la beauté et la quiétude du parc naturel de l’Albufera. Je suis en rêve. Empreint de calme, d’odeurs suaves et fraîches. Cette journée sera une belle journée. Tellement heureux de profiter de ces moments, je m’en oublie ! Pas de photo, pas de vidéo, juste du vent sur ma peau, de l’oxygène dans mon cerveau et des images qui défilent devant ma rétine. Je passe ces quelques kilomètres avec un « sourire tranche papaye », qu’on pourrait appeler ici « sourire tranche sandia ».

Comme toutes les bonnes choses ont une fin, je retrouve l’asphalte, les autos et la chaleur. Je m’enfonce vers les terres pour éviter le trafic et traverse les rizières autour de Sueca et de son marché.

 

 

 

 

Pose déjeuner et repos à l’ombre durant les heures où le soleil darde ses rayons avec une furieuse envie de brûler ta peau !

Allez hop, faut y retourner. Je rejoins une nationale, ses camions, ses ruines abandonnées et un vent au près ! Puis, je bifurque sur l’ouest. Les montagnes! Les montagnes!! Enfin, ce sont la fin des hauts massifs des Sierras plus à l’ouest, donc plus un enchevêtrement de monts et collines, de creux et de vagues (Sierra de Montdùver, plus précisément)…En un mot, fini les plats et faux plats.

La vie, du moins, la mienne, ressemble un massif montagneux. Des hauts, des bas, des côtes plus ou moins raides que je galères à monter, en y mettant le temps qu’il faut. Et des descentes, la vitesse, grisante, le paysage qui défile à toute berzingue, quel pied. La joie des descentes est toujours trop courte ! La vie alentour change avec l’altitude. Le paysage évolue avec le temps, il s’érode, se recompose, change. Il est provisoire. Fait parti d’un tout mobile. C’est un équilibre fragile, à chaque instant le moindre évènement, comme l’imperceptible mouvement d’un souffle, peut faire basculer définitivement tout un pan de montagne. Cette pensée est désarçonnante. Que la vie est précaire! Nous le savons tous, mais nous préférons éviter d’en avoir conscience, trop conscience. Bordel, l’Homme n’a pas gagné toutes ces batailles sur les « erreurs « de la vie et du temps (la maladie, la vieillesse), il n’a pas inventé toutes ces choses fabuleuses pour se protéger, se déplacer et mieux comprendre son environnement (architecture, maîtrise de la vitesse etc…) pour qu’aujourd’hui, au XXIème siècle, on nous dise encore que la vie, la notre, peut s’arrêter en un clin d’oeil. Non, ça fait trop peur, vite oublier et se replonger la tête la 1ère sur nos derniers I pod-phone-pad-tune pas encore obsolètes et liker ce superbe article qui vous êtes en train de lire… !!!! … Tandis que cette phrase d’un grand rappeur jazzy devrait être inscrite sur le fronton de tous les bâtiments publics: « La vie devient ce qu’on en fait! »

Sinon, la plage c’est joli aussi, les filles sont en maillots, les hommes musclés, le tout est bronzé. Superficiel. C’est un régal pour les yeux. C’est juste un brin répétitif, monotone, insaisissable, un peu comme une rangée de publicités en 4×3 à l’entrée des centres commerciaux vantant les mérites d’une splendide décapotable avec une femme répondant à tous les canons de beauté, assise lascivement sur le capot. Elle n’attend que vous, que toi, que moi….et sur le panneau suivant, on nous offre une réduction pour un abonnement dans le centre fitness le plus proche, vite faut plaire ou ressembler à la dame sur la capot d’à coté …encore à deux pas, il ne faut surtout pas manquer le dernier né des yaourts au bifidus proactif sans matière grasse, sans sucre et sans lait avec un goût aux arômes les plus exotiques qui soient, car après l’effort de la salle de fitness, vous prendrez bien un petit réconfort au bifidus! faut plaire à la dame oui, mais ne oublier de se faire plaisir aussi….de toute façon, on sait pertinemment que la dame est photoshopée !

Bref, dans les montagnes, je retrouve un peu de moi. De la joie, de l’osmose, des couleurs mais aussi du nébuleux, du ténébreux, du renfermé. Des odeurs et du silence ! Il n’y a pas encore trop de superflu terlà. Le temps entretient un rapport particulier à l’espace montagnard. Chaque mètre avancé apporte une nouveauté, la vue sur cette vallée, la lumière dans ce recoin, un micro-climat qui permet à telle espèce de pousser, alors des fruits ou des fleurs incongrus sortent d’un virage. Un territoire fabuleux et fascinant, façonné au grès du temps.

Ces paysages de montagne me rappellent le corps d’une femme. Des courbes et des vallons, des pitons et des mamelons, des bassins et des gorges. Et toujours ce sentiment partagé entre l’effroi d’atteindre ses inaccessibles cimes et la délectation de me lover dans ses creux. Ainsi, le désir de prendre le temps de méandrer et découvrir l’invisible inconnu. Tâtonner, ne pas savoir par où commencer et perdre ses repères.

La montagne est une rencontre et dans cette rencontre le langage du corps ne ment pas !

Justement lors d’une ascension, mon corps pleure des larmes de sueur, mes yeux brillent. J’ai le palpitant qui s’emballe. Ralentir. S’arrêter quoi ! Lever la tête, la vue, le souffle de l’air, reprendre contact avec ce qui m’entoure. Tient des mûres, hum. Rhô des figues. Scrunch scrunch. Miam miam. Ooouuai. Et en voiture Simone !

J’ai comme une envie de profiter de cette montagne. Sur la route en lacet, entre deux virages, une piste. Je la monte. L’observe. Où es-tu, toi petit lieu qui m’accueillera pour cette nuit. Ici ? Nan, là. Oui, c’est très bien là. Je m’installe. Je visite. Je m’étire. Je regarde. J’écoute. Nu. Ce bruit du silence. Une danse. Un écho. Une conversation s’installe jusqu’au lever de la lune.

Je voulais continuer mes entretiens avec la montagne au petit matin. Il faut réadapter mes plans, ravaler mes envies. Il pleut. Ça dure. Une courte fenêtre météo pour déjeuner dehors, savourer les nuages accrochés et leurs nuances de gris. Il repleut. Dans ma petite tente, j’en profite pour entamer la relecture de Kerouac. Départ en milieu de matinée. Je redescends la montagne sur l’autre versant et arrive dans la vallée de l’Albaida. En bas, il fait déjà très chaud.

C’est la fête dans la plupart des villages de la vallée. Fêtes essentiellement historico-religieuses sur les contacts entre les Arabes et les Chrétiens. Je fais ma halte de mi-journée à Béniganim.

Les 8 petits kilomètres qui me séparent de Carricola sont assez éprouvant. Le vent est de face, il n’y a pas d’ombre sur la route, la température avoisine les 40°c. J’arrive enfin à Carricola. Je suis accueilli par Tere, qui m’hébergera lors de mon séjour, Suzanna, la maire, et Pedro, l’homme à tout faire du village. Après les chaleurs de la route, me voici dans un écrin de chaleur humaine. Ça va être bon !

2 réflexions sur “ETAPE 7: Valence – Carricola

  1. On sent le « Kerouac » dans tes textes, la volonté de vivre, vibrer, ressentir chaque instant.
    « Rien derrière et tout devant, comme toujours sur la route. »

    Bonne route à toi Bastien

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