Préambule :
Je reprends le texte pour parler de la dernière escale, Marinaleda, aboutissement de la route de l’Utopie.
J’ai pris le temps de rédiger cet article pour des raisons de logistique (j’ai du réorganiser mon retour et enchaîner directement des recherches pour mon installation sur Carcassonne), la nécessité de digérer cette aventure et le besoin de comprendre l’orientation très personnelle qu’à pris la Route après Carricola.
Le fait que je ne parle pas l’Espagnol a alimenté une frustration qui montait crescendo dès mon arrivée sur Barcelone. J’ai mis du temps à me l’avouer et ça a nettement favorisé un certain repli intérieur. Ce projet est basé sur les rencontres, l’échange et le partage…..sans les mots pour expliquer son but, mon moteur, l’utopie, il n’a plus d’occasion de grandir, de se nourrir, de se confronter. De vivre…alors, cette route de l’Utopie perd sa légitimité. Elle ne devient qu’une direction vers un petit village sans intérêt pour le commun des mortels. Et du coup, ma place perd son sens. Qu’est-ce que je fais ici avec mon vélo et mon appareil photo, pourquoi je pédale ?
A rajouter, l’idée que les étapes devenaient de plus en plus éprouvantes physiquement et moralement, entraînant fatigue et moins d’énergie pour briser les frontières de l’inconnu et de la langue…..que ces étapes nourrissaient mes réflexions sur ce que j’avais vécu de très intense et instructif lors des précédentes escales et, ainsi, alimentaient un besoin d’introspection.
Enfin, je voyais les jours défiler à toute allure, alors, est venu le temps de faire des choix. Être pris par le temps est le pire piège pour ce genre de projet basé sur les rencontres humaines.
Bref, tout ce joli zembrocal de facteurs a fait basculer la route de l’Utopie en chemin vers mon utopie, où ma sensibilité et mes questionnements d’homme, ont pris le pas sur le coté journalistique du projet. Et ça m’a fait du bien. L’impression d’avoir, durant un instant, rattrapé mon ombre et lui avoir donné la lumière qu’elle réclamait…
Donc, arrivé à Marinaleda le 18 septembre, je n’avais que 4 jours pour faire tout ce que je devais faire….sans contact, sans fixeur pour m’orienter vers des personnes ressource et m’accompagner lors des entretiens…alors, j’ai pris unilatéralement la décision de juste apprécier la vie dans ce village sans charme. De faire, enfin, du tourisme alternatif avec en toile de fond, tout de même, une grosse déception de ne pas pouvoir dire aux gens que je venais de me faire 2 700 bornes à vélo pour venir jusqu’à eux, jusqu’à ce village qui est le 1er village autogéré en Europe !
Ici, comme dans beaucoup de petite commune, les gens s’interpellent, se saluent et prennent soin les uns des autres. Des gestes, des attentions, des mouvements de corps. Au fil des rencontres, une fois de plus, la langue nous fait défaut. On cherche à savoir ce que je fais ici, je cherche à le leur dire !
Je croise bien quelques anglophones qui me renseignent sur où loger chez l’habitant et qui m’expliquent que quasiment chaque semaine il y a un média qui vient faire un reportage, interviewer les gens. Je comprends mieux le refus de nombreux habitants lorsque je leur demande si je peux les prendre en photo.
Alors je me promène dans la ville, je fais les différents lieux sociaux, bars, cantines et le fameux Sindicato, grand bâtiment municipal où l’on peut manger, boire, jouer et où ont lieu les assemblées générales. Ces AG sont l’essence de la démocratie participative mise en place à Marinaleda depuis 1979.
J’ai eu l’occasion d’assister à l’une d’elles. Une voiture avec haut parleur passe dans toutes les rues depuis la veille pour signaler l’AG et à l’heure dite, les gens se dirigent vers le sindicato…seuls quelques vieux vont dans le sens inverse pour aller à leur bar favori !
Je suis surpris de voir beaucoup de jeunes dans l’AG, ainsi toutes les générations sont représentées dans ces quelques centaines de personnes présentes. Lorsque Juan Manuel Sánchez Gordillo, le maire emblématique de Marinaleda depuis 1979, arrive, le brouhaha reste aussi fort. Il prend la parole et le silence a du mal à se faire. Parfois on le coupe. Les gens parlent entre eux. On rentre, on sort, on fume, on boit des bières…Il ne semble pas y avoir de règles, de codes lors de ces assemblées. Ça ressemble à un joyeux bordel.
Le truc chouette dans ce village c’est que, vu que tous ceux qui travaillent pour la commune ont le même salaire (un peu plus que le SMIC français), les prix des tapas, des bières et dans les petits supermarchés sont relativement bas.
En résumé, j’ai vraiment juste joué un rôle d’observateur, j’ai pris le temps de vivre le quotidien du village mais sans pouvoir le partager. J’ai regardé la vie se dérouler sous mes yeux.
Voici une liste de liens sur Marinaleda:
http://www.bastamag.net/Un-oasis-cooperatif-dans-un-monde
https://www.youtube.com/watch?v=UkLbnLpHl-8
http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/HAFFNER/49520
et le site officiel de la mairie:
Cette fin n’est pas celle que j’avais imaginée….et c’est le principe du voyage…évoluer au grès des évènements, de nos envies, de nos besoins…se faire happer par la réalité et accepter que celle-ci soit différente de l’idée qu’on s’en faisait…
Bref, ça m’a fait du bien de finir la route comme ça, sans stress et avec la satisfaction de l’avoir fait, d’avoir vécu ce chemin selon mon ressenti, ma disponibilité et mes capacités.
Chaque tour de pédale m’a façonné, m’a fait avancer sur mon chemin.
Ainsi, je reprends mon petit vélo et arrive tranquillement sur Séville. Le retour prévu en bus 2 jours après s’avère être impossible.
Du coup, je réserve un billet d’avion et reste 2 jours supplémentaires dans la capitale andalouse, à profiter et découvrir le flamenco, la ville, ses bâtiments et ses parcs, le Guadalquivir et ses berges…heureux, simplement..
Caracole et l’extension 1.0 en route pour l’embarquement